NOTES

 

C'est sans doute par l'article GALIEN du Dictionnaire de Chaudon et Delandine, tout proche de celui consacré à Gravesande qui vient d'être utilisé, que Hugo apprend qu'il soignait les indigestions de Marc-Aurèle. Mais sans appliquer aucun remède de cheval à l'impérial patient, bien au contraire: « Cet empereur avoit une confiance aveugle en lui. C'est ce que prouve un fait que Galien raconte lui-même. "Ce prince dit-il, ayant été attaqué tout d'un coup, dans la nuit, de tranchées de ventre, et d'un grand dévoiement qui lui donna la fièvre, ses médecins lui ordonnèrent de se tenir en repos et ne lui donnèrent, dans l'espace de neuf heures, qu'un peu de bouillon. Ces médecins étant ensuite retournés chez l'empereur, où je me rencontrai avec eux, jugèrent à son pouls qu'il entroit dans un accès de fièvre; mais je demeurai sans dire mot, et même sans tàter le pouls à mon tour. Cela obligea l'empereur à me demander, en se tournant de mon côté pourquoi je ne m'approchois pas? A quoi je répondis que ses médecins lui ayant déjà tâté deux fois le pouls je me tenois à ce qu'ils avaient fait, ne doutant pas qu'ils ne jugeassent mieux que moi de l'état de son pouls. Mais ce prince n'ayant pas laissé de me présenter son bras, je lui tâtai le pouls; et l'ayant examiné avec beaucoup d'attention, je soutins qu'il ne s'agissoit point d'une entrée d'accès; mais que son estomac étant chargé de quelque nourriture, qui ne s'étoit pas bien digérée, c'est ce qui causoit la fièvre. Ce que je dis persuada si bien Marc-Aurèle, qu'il s'écria tout haut: C'est cela même! vous avez très bien rencontré! je sens que j'ai l'estomac chargé; et redit par trois fois ces mêmes paroles. Il me demanda ensuite ce qu'il avoit à faire pour se soulager? Si c'étoit quelque autre personne, répondis-je, qui fût dans l'état où est l'empereur, je lui donnerois un peu de poivre dans du vin, comme je l'ai pratiqué en plusieurs occasions. Mais comme l'on n'a accoutumé de donner aux princes que des remèdes très doux, il suffira d'appliquer sur l'orifice de l'estomac de l'empereur, de la laine trempée dans de l'huile de nard bien chaude. Marc-Aurèle, continue Galien, ne laissa pas de faire l'un et l'autre de ces remèdes; et s'adressant ensuite à Pitholaüs, gouverneur de son fils: Nous n'avons, dit-il en parlant de moi, qu'un médecin; c'est le seul honnête homme que nous ayons." »

L'article se conclut ainsi: « Galien devoit beaucoup à Hyppocrate, et ne s'en cachoit pas. Plusieurs modernes sont redevables de toutes leurs connoissances à ces illustres anciens, et les ont décriés, semblables aux enfans qui déchirent le sein qui les nourrit. Mais le plus grand nombre des médecins s'est réuni, non-seulement à les respecter, mais à prendre leurs écrits pour des modèles, et leurs décisions pour des oracles. Les philosophes ont tenu un milieu entre les détracteurs et les partisans outrés de ces pères de la médecine. Ils ont jugé d'eux comme ils jugent de leur art, pour lequel il ne faut avoir ni trop de confiance, ni trop de mépris. On convient que Galien a beaucoup contribué aux progrès de la médecine par ses expériences; mais qu'il lui a fait aussi beaucoup de tort par ses raisonnemens trop subtils, par ses qualités cardinales et autres pareilles chimères. » Ces qualités cardinales figurent plus haut.